Ma place… ou la leur ?

Pour illustrer un propos vraiment essentiel, un court texte de Juliette Allais, extrait de « Trouver sa place au travail »…

Pour qui travaille-t-on ? Comment, pourquoi et pour qui choisit-on tel ou tel métier ? Et d’ailleurs, qui choisit véritablement ? Nous imaginons que nous sommes les seuls à décider de tout cela, à partir de nos aspirations et de nos capacités. Or, la vie professionnelle est certainement l’un des lieux où les déterminismes familiaux sont les plus massivement opérants. Parce qu’il s’agit de notre trajectoire, nous oublions, en effet, qu’elle s’est toujours construite d’abord dans un climat particulier : celui de nos parents, dont nous avons capté – inconsciemment – les références, les valeurs, les difficultés, les interdits, les espoirs insatisfaits …

Double conséquence : à la fois, dans notre manière de nous représenter le travail (donc de l’aimer ou pas, de l’accepter ou pas), mais aussi, de nous placer dans la continuité de nos prédécesseurs, en termes de carrière, de motivations, de « missions » … En effet, face à leur histoire, quelle va être notre posture ? La répétition de scénarios d’échec ou de souffrance, par loyauté ou pour ne pas les trahir ? La réparation, avec pour nous l’obligation de réussir à tout prix là où ça n’a pas marché pour eux ? La continuation de leurs propres créations et activités, pour leur faire plaisir, être important à leurs yeux, gagner leur amour, créer une dette à notre égard ?

Beaucoup d’entre nous sont ainsi « programmés » pour choisir un métier en fonction des attentes ou fantasmes de leurs ascendants. Or, que se passe-t-il lorsque cette voie ne leur convient pas, ou pas tout à fait ? Peut-être feront-ils illusion un certain temps … mais à un niveau plus profond, ils seront constamment soumis à une pression considérable. Ceux qui se laissent ainsi désigner une place de façon arbitraire se voient dépossédés de leur propre désir, en se conformant à des choix qui ne sont pas les leurs. Même si leur intention est de faire plaisir à certains membres de la famille, ce qui leur permet dès lors de ne pas déplaire, ils se sacrifient sur l’autel de la bonne conscience et du « familialement correct», en étant purement et simplement mis en place d’objet.

Imaginer que d’autres pourraient prendre la direction de notre propre vie – impunément – est une illusion qui ne peut que déboucher sur des situations stériles.

Nous ne pouvons sacrifier à personne la trajectoire qui nous est propre.

 

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