Affirmation, liberté, juste place… et prix au m2

En matière de juste place au travail, il est un facteur dont on ne parle jamais… c’est le prix de l’immobilier !

Et pourtant… il a plus d’importance au final qu’il ne devrait sans doute. Car les prix à Paris (à Lyon, à Bordeaux, en Île-de-France…) ont progressé de façon spectaculaire, entraînant mécaniquement les loyers et les niveaux d’endettement dans leur course. Résultat ? Beaucoup de mes clients, en accompagnement par exemple, vivent désormais selon des niveaux de « point mort » personnel très élevés. Ce qui rend par ricochet toute possibilité de changement, d’ajustement, de réorientation professionnelle d’autant plus difficile…

Car, bien sûr, pour renoncer à un job qui ne nous convient plus, prendre le risque d’en changer, a fortiori se mettre à son compte ou modifier sa trajectoire, il faut pouvoir disposer d’une certaine latitude financière, avoir de l’argent devant soi, donc le temps par exemple de chercher, de se former, de se construire une clientèle. Sauf que désormais – dans de trop nombreux cas au final – le maître du jeu c’est la banque. Ou le propriétaire. Un maître carré pourrait-on dire. Très carré. Dans immobilier, il y a toujours eu immobile / immobilisé. Par nature. La pierre est solide, mais inerte. Rassurante mais figée. Alors que la vie est mouvement… Et la quête d’une place juste souplesse et mobilité !

Alors… liberté ou immobilier ? Maître de son destin ou propriétaire de son bien ? Pour chacun de nous, quel sera donc le meilleur choix ?

Trouver sa place suppose toujours une autorisation… et un deuil.

Quand on pense aux difficultés à trouver sa place, on pense facilement aux questions d’autorisation. Et à raison. Mais il y a une dimension qu’on occulte généralement au passage, c’est celle du deuil à faire en parallèle…

Trouver sa place au travail, sa vraie place, sa place à soi, suppose bien sûr de s’en donner le droit. Un droit qui souvent ne va pas de soi, car il n’a été concédé ni par la famille, ni par l’école, ni par les proches, ni par l’entreprise. Or, je ne peux pas être qui je suis, l’exprimer, le rayonner si en effet je ne m’en donne pas l’autorisation…

Pour autant, le fait d’être souvent resté à l’intérieur des limites et des voies (voix ?) définies par d’autres n’a pas eu que des conséquences limitantes. Elle nous a aussi obligé à compenser. Si, par exemple, je ne me donne pas le droit d’exprimer la créativité que je porte, mais que tous semblent dénier, je vais sûrement… la rêver ? M’imaginer artiste à défaut de peindre… Grand écrivain même si je n’écris pas… Me raconter que j’aurais pu avoir un vrai destin sur les planches si on m’avait laissé… Encouragé… Soutenu… Rien de plus naturel au demeurant, et rien en soi de contestable. Sauf que…

Sauf que le jour où justement je progresse et que j’accepte enfin de revendiquer ma créativité, et de la réaliser concrètement, je ne vais pouvoir l’incarner que de là où j’en suis réellement, avec le peu d’expérience que j’ai encore et les limites qui sont de toute façon les miennes. Pas de là où je me suis rêvé pendant toutes ces années. Dans la réalité, pas dans le fantasme.

Il va donc bien falloir pour y parvenir que je fasse aussi le deuil de cette image idéalisée de compensation. Et c’est souvent bien plus douloureux en fait que de s’accorder enfin l’autorisation nécessaire. Parce que se donner le droit a bien sûr une évidente dimension de libération et de progrès. Alors qu’accepter de n’être qu’un débutant encore maladroit, un écrivain peut-être moyen ou un acteur limité oblige l’ego à un vrai renoncement.

Ni interdit, ni prétention, ni fausse modestie ni grandiosité… encore et toujours une voie du milieu.

Là où il y a une vérité… il y a une voie !

On aime souvent affirmer avec conviction : « Si on veut, on peut ! ». « If there’s a will, there’s a way » disent même les anglais. Sauf que… est-ce qu’on réfléchit alors assez à la question – pourtant cruciale – de la pertinence du vouloir concerné ?

Si je veux en effet ce que je ne peux pas obtenir, ou ce qui ne fait pas sens autour de moi, pourquoi donc y parviendrai-je, même à force de talent, de vigueur, d’activisme et de méthode Coué ?

Si Usain Bolt, par exemple, avait décidé mordicus de devenir champion du monde de lancer du poids, pour faire plaisir à son père, par défi, par entêtement ou par provocation, croyez-vous vraiment que ç’aurait été possible ? Et si je décide demain de devenir Président de la République, que croyez-vous qu’il se passera ? Alors bien sûr on pourra toujours se dire que nous ne l’avons pas voulu assez, et s’accuser de faiblesse, d’inconstance ou de lâcheté. Mais pourquoi faire ? Quand 30 tennismen, par exemple, hommes ou femmes, déclarent en interviews le 1er janvier vouloir être numéro un mondial, et qu’un / une seulement le devient au final… que faut-il donc penser des 28 autres ? L’ont-ils vraiment moins voulu ? Ou n’était-ce seulement pas la question ? Pas la vraie question ?

Ce que je crois en effet, c’est que la seule chose que je peux vraiment vouloir, au sens plein du terme… c’est ce que je porte en profondeur. Que rien ne sert ainsi de vouloir ce que je ne suis pas, ce que je ne porte pas.

Et si je le porte bien en profondeur, et que je le veux effectivement – au sens où je le reconnais et que j’accepte de m’y conformer – alors oui, l’univers devrait bien conspirer à ce que ça puisse avoir lieu. Pas parce que ma petite personne en a décidé ainsi et qu’elle a les moyens de soumettre le monde à sa volonté de puissance, mais parce que l’intention conjuguée avec l’adéquation doivent permettre la réalisation.

Car en réalité, au final et pour chacun de nous, il y a une voie là où il y a une vérité.

Et là seulement.

Ne croyez-vous pas ?

Ma place… ou la leur ?

Pour illustrer un propos vraiment essentiel, un court texte de Juliette Allais, extrait de « Trouver sa place au travail »…

Pour qui travaille-t-on ? Comment, pourquoi et pour qui choisit-on tel ou tel métier ? Et d’ailleurs, qui choisit véritablement ? Nous imaginons que nous sommes les seuls à décider de tout cela, à partir de nos aspirations et de nos capacités. Or, la vie professionnelle est certainement l’un des lieux où les déterminismes familiaux sont les plus massivement opérants. Parce qu’il s’agit de notre trajectoire, nous oublions, en effet, qu’elle s’est toujours construite d’abord dans un climat particulier : celui de nos parents, dont nous avons capté – inconsciemment – les références, les valeurs, les difficultés, les interdits, les espoirs insatisfaits …

Double conséquence : à la fois, dans notre manière de nous représenter le travail (donc de l’aimer ou pas, de l’accepter ou pas), mais aussi, de nous placer dans la continuité de nos prédécesseurs, en termes de carrière, de motivations, de « missions » … En effet, face à leur histoire, quelle va être notre posture ? La répétition de scénarios d’échec ou de souffrance, par loyauté ou pour ne pas les trahir ? La réparation, avec pour nous l’obligation de réussir à tout prix là où ça n’a pas marché pour eux ? La continuation de leurs propres créations et activités, pour leur faire plaisir, être important à leurs yeux, gagner leur amour, créer une dette à notre égard ?

Beaucoup d’entre nous sont ainsi « programmés » pour choisir un métier en fonction des attentes ou fantasmes de leurs ascendants. Or, que se passe-t-il lorsque cette voie ne leur convient pas, ou pas tout à fait ? Peut-être feront-ils illusion un certain temps … mais à un niveau plus profond, ils seront constamment soumis à une pression considérable. Ceux qui se laissent ainsi désigner une place de façon arbitraire se voient dépossédés de leur propre désir, en se conformant à des choix qui ne sont pas les leurs. Même si leur intention est de faire plaisir à certains membres de la famille, ce qui leur permet dès lors de ne pas déplaire, ils se sacrifient sur l’autel de la bonne conscience et du « familialement correct», en étant purement et simplement mis en place d’objet.

Imaginer que d’autres pourraient prendre la direction de notre propre vie – impunément – est une illusion qui ne peut que déboucher sur des situations stériles.

Nous ne pouvons sacrifier à personne la trajectoire qui nous est propre.

 

Trouver ma place, c’est ma responsabilité !

Le monde a changé. Longtemps l’organisation a porté l’employabilité de ses salariés, elle s’en est chargée pour eux. Mais c’est de moins en moins vrai. Et c’est une chance !

Dans l’ancien modèle, c’était l’organisation qui– pour l’essentiel et le plus souvent – décidait de ce que le salarié allait faire, où et quand, de comment il allait évoluer, assurait sa formation et garantissait sur la durée la sécurité de son emploi et de ses revenus. C’était simple et rassurant. Fermé aussi.

Dans le modèle qui se dessine peu à peu, c’est le salarié au contraire qui porte la responsabilité de sa propre employabilité durable, au fil de contrats successifs ou parallèles, d’avancées, de changements, de formations, de prises de risques. C’est moins confortable mais plus ouvert, ça demande plus d’efforts et de mobilité, mais ça laisse aussi plus de place à ses propres envies.

Qu’on le veuille ou non cependant, l’évolution semble claire. Les entreprises n’ont plus les moyens de garantir des jobs sur une durée longue, les contextes sont plus mouvants et plus incertains, elles ont besoin de plus de flexibilité. Dans le même temps, les salariés, jeunes notamment, ont aussi moins envie qu’on décide à leur place, et souvent plus d’appétence pour le changement. Résultat ? Les contrats changent. On y offre moins de sécurité, on y demande moins de loyauté, on y garantit moins de pérennité partagée.

Conséquence ? Il nous appartient chacun de nous prendre en main, de ne pas attendre de l’organisation ce qu’elle ne peut plus donner, de reconnaître et d’incarner le meilleur de ce que nous portons, de prendre la responsabilité de nous former régulièrement. Au gré de nos envies, et de ce qui fait sens pour nous.

La liberté est l’avenir du salarié !